«

»

Mai 21

Double jeu

[Un peu de bon sens cela ne fait jamais de mal, par contre cela met en évidence certaines choses qu’il vaudrait mieux laisser dans l’ombre si on veut toujours faire prendre des vessies pour des lanternes, stratégie en œuvre depuis un moment]-alpha.b

 

 

 

Concédons, à titre d’exemple, que nous autres Grecs soyons dépensiers, paresseux, corrompus, sujets aux déficits et profiteurs du travail ardu des autres Européens. Mais qu’en est-il des Espagnols ?

  • Le gouvernement espagnol ne présentait-il pas un excédent budgétaire avant que la crise n’éclate ?

 

  • La dette publique espagnole n’était-elle pas plus basse que celle de l’Allemagne avant que la crise n’éclate ?

 

  • L’Espagne n’était-elle pas le seul pays qui avait réussi de façon assez remarquable, à organiser des jeux olympiques qui 1) soient rentables 2) laissent derrière eux de magnifiques installations sportives et exemples de renouvellement urbain (au contraire des dettes et des vieilleries laissées ici)

 

  • L’Espagne n’a-t-elle pas développé des entreprises telles Zara qui ont montré à l’Europe qu’il était possible d’exercer une concurrence de front avec l’Asie dans des secteurs que le reste de l’Europe avait exporté là-bas (au moins en termes de travail et de main-d’œuvre) ?

 

  • L’Espagne n’était-elle pas le centre de la production industrielle lourde allemande (par exemple, la Seat de Volkswagen ) pourvoyeuse d’excellents profits pour l’Allemagne ?

Et pourtant, c’est précisément ce pays qui se trouve aujourd’hui dans le même trou noir où la Grèce est tombée deux ans auparavant. Comment cela serait-il possible, si comme on nous le répète partout, la crise est due à la prodigalité grecque ?

Même le regard le plus expéditif sur ce qui se passe aujourd’hui en Espagne devrait persuader le lecteur ouvert d’esprit qu’il y a quelque chose de profondément injuste dans cette vision convenue d’un centre raisonnable, qui s’appuierait sur des principes économiques rationnels, et d’une périphérie défectueuse, qui chercherait à fuir ses responsabilités.

 Depuis l’été dernier, les pertes des banques espagnoles (résultats des paris absurdes sur de l’immobilier financés principalement par des banques allemandes) ont été déchargées sur le dos de l’Etat espagnol, avec pour résultat que ce dernier a été, dans les faits, exclu des marchés monétaires (grâce à des taux d’intérêts excédant les 5 %).

 Pour éviter de déclarer que l’Espagne avait officiellement rejoint les rangs de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal comme quatrième des « états souverains déchus », les « pouvoirs suprêmes » européens ont proposé cette idée brillante :

  1. La Banque centrale européenne acceptera tout bout de papier présenté par les banques espagnoles comme « garantie » à des prêts massifs fournis à 1 % de taux d’intérêts.

 

  1. Mais puisque l’insolvabilité ne peut être jugulée par des prêts aussi nombreux soient-ils, les banques espagnoles ne faisaient que gagner du temps. L’Europe jugea donc qu’il était nécessaire que l’Etat espagnol emprunte plus d’argent à des taux d’intérêts allant de 4 à 5 % (peut-être par le biais du FESF, le fond de sauvetage financier européen) pour le transmettre aux banques sous forme de « recapitalisation ».

 

  1. Or, comme le résultat de ces nouveaux emprunts a été de pousser l’Etat espagnol plus loin dans le gouffre de la faillite, il fallait trouver quelque chose pour le refinancer lui-même. Voici donc ce qui fut décidé : ces mêmes banques (insolvables donc) recevant du capital de l’Etat, devraient prêter à l’Etat (à 6 % d’intérêts) une partie des prêts qu’ils reçoivent de la Banque centrale européenne (à 1 % d’intérêts).

Saisissez-vous, cher lecteur, ce qu’il se passe ici ? Les banques jetées dans la faillite par leur propre bêtise ont transmis leurs pertes à un Etat qui réussissait jusqu’alors à présenter un excédent budgétaire. L’Etat et les contribuables se sont du coup retrouvés plongés dans une insolvabilité à long terme.

 Puis ces mêmes banques ont obtenu de la BCE des prêts à des taux d’intérêt risibles, qu’elles ont ensuite prêtés en partie à des taux d’intérêts faramineux à cet Etat qu’elles avaient elles-mêmes mené à la banqueroute, et de la part duquel en même temps elles recevaient du ….capital ! Et pour permettre de résoudre les problèmes de l’Espagne avec cette « solution », l’Europe a imposé à ce pays une austérité draconienne réduisant le revenu national à partir duquel l’Etat est censé lever les impôts pour rembourser tous les prêts qu’on lui a imposés.

Alors quand les journalistes du monde entier, les autres économistes des pays du nord, les politiciens allemands et hollandais pointent du doigt les votants grecs pour avoir fait le « mauvais » choix lors des élections, c’est-à-dire pour avoir rejeté le « Grand Plan » européen pour venir à bout de la crise, je réponds en ces termes très clairs : « Je veux bien concéder tout ce que vous voulez à propos de mes compatriotes grecs à condition que vous me donniez une réponse plausible à cette simple question : à quel jeu joue donc l’Europe avec l’Espagne au milieu de ce ‘Grand plan' »?

  http://www.huffingtonpost.fr/yanis-varoufakis/crise-grece-economie-espagne_b_1524405.html?ref=france

 
 
 
 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *