On peut conclure aussi en disant que l’on peut vivre dans l’incertitude cela a même été les conditions normales de l’évolution humaine sur des millénaires, que l’on a cru avec les avancées scientifiques que l’on avait éliminé ces incertitudes, et que l’on s’est largement trompé.
Prenons en acte, changeons le cadre, et retrouvons ce qui permet de l’accepter : La Liberté, l’Egalité et la Fraternité, mais les trois en même temps, sinon cela n’a pas de sens.
Du salut par l’économie à l’économie de salut.
Ces chaussons de plomb viennent à mon avis de l’incapacité des femmes et des hommes politiques ou des dirigeants de ce monde qu’ils soient dans les sphères privées ou publiques, à analyser l’infrastructure des phénomènes qui ont conduit à la présente crise, c’est à dire à mon sens d’un accroissement profond de l’incertitude face à l’avenir, lequel accroissement de l’incertitude conduit tous les agents économiques, à grande ou à petite échelle, que nous sommes, à raccourcir leur horizon de prévision.
Au niveau individuel privé ou des ménages, il devient de plus en plus difficile de se lancer dans des actes se projetant dans le moyen ou le long terme, L’incertitude sur l’emploi et donc sur l’obtention d’un revenu relativement stable réduit les projets d’épargne ou d’investissement des ménages. A cette incertitude fondamentale vient se rajouter une incertitude face à l’évolution technologique hyper rapide : Le bien que je voudrais acheter n’aura-t-il pas été rendu complètement obsolète d’ici un an ou moins par des fonctionnalités plus grandes ou par un prix divisé par deux ou plus ou même les deux simultanément.
Donc est-ce raisonnable d’investir dans ce bien ? Beaucoup de ménages se réfugient alors dans une consommation boulimique : j’ai été surpris de voir les supermarchés envahis de clients malgré la baisse de pouvoir d’achat que l’on peut constater, mais la plupart des achats semblaient être concentrés sur des produits de consommation immédiate : « comme je ne sais pas de quoi demain sera fait, je consomme »…
La consommation comme défoulement a très bien été étudiée par des psychologues montrant l’effet anxiolytique de l’acte d’achat.
Ce genre de problème touche les organisations et leurs dirigeants à toutes les échelles.
J’ai déjà abordé sur ce blog une de causes de l’accroissement de l incertitude : l’accélération de l’évolution technologique liée à la mise à disposition de centaines de milliers et même de million d’esprits créatifs, de moyens de calculs et de communication, qui font que les innovations technologiques sont devenues incontrôlées et incontrôlables.
Elle peuvent aujourd’hui surgir de n’importe quel individu ou groupe d’individus et surgir de n’importe où sans qu’il soit possible de prédire de qui, de quand ou d’où elles apparaîtront. Si petites soient elles, ces innovations peuvent avoir des effets énormes, tel le fameux « effet « battement d’aile de papillon » exemple cité par Lorenz pour faire comprendre à un grand public la théorie du chaos.
Prenez l’exemple de LINUX développé par un petit groupe d’étudiants et de passionnés d’informatique qui a été installé d’origine pendant en moment sur les ordinateurs personnels IBM. Qui avait pré dit le succès de Facebook, ou même de TCPIP?
Ancien prévisionniste pour IBM et maintenant à la retraite, il nous était plus aisé avant de suivre les évolutions technologiques quand elles trouvaient leurs sources dans les laboratoires de grandes organisations de recherche privées ou publiques, lesquelles devaient nécessairement publier au moins une part de leurs analyses dans des revues très techniques. Aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Nos dirigeants ne veulent pas ou ne peuvent pas s’attaquer aux racines infrastructurelles de ces situations d’incertitude. Surtout dans une ère du néolibéralisme triomphant, tout devait être laissé aux forces du marché « Markets know best ». Sauf que les marchés ne savent pas fonctionner dans une situation d’incertitude, remarque que Keynz avait déjà faite en son temps.
Autant les entreprises humaines (au sens large) peuvent vivre avec la prise de risque, autant elle ne le peuvent pas devant l’incertitude : la différence entre risque et incertitude a été très bien étudiée par Franck Knight dans un livre de 1921 « Risk Uncertainty and Profit »
Une organisation peut en effet prendre une assurance contre un risque dont on peut calculer la probabilité (le mot assurance pris là encore au sens général du terme, pas seulement au sens d’un contrat auprès d’une compagnie d’assurance), alors qu’aucune organisation ne peut prendre d’assurance en face d’une situation d’incertitude où il est impossible d’évaluer une probabilité à un événement défavorable. Qui dans l’industrie des téléphones portables aurait pu prévoir qu’une entreprise du secteur informatique comme Apple sortirait un nouveau téléphone portable tel que l’IPHONE…
Dans ces conditions somment faire des paris sur l’avenir, que ce soient des paris politiques nationaux ou internationaux ou des paris industriels. D’autant que les entrepreneurs capitalistes prêts à prendre des risques ont été remplacés par des gestionnaires principalement financiers voulant le profit mais sans le risque…
Je conclue en disant que la crise structurelle de toutes les économies mondiales capitalistes et autres est liée à cette augmentation de l’incertitude et au raccourcissement de l’horizon économique de tous les membres de nos sociétés, et en premier lieu de celui de nos dirigeants.
D’après un commentaire de Paul Tréhin sur le blog de Paul Jorion
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