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Sep 27

La vie 2

 

La vie va ! Comme aime à le dire une mienne amie. Cette formule, on peut la prendre pour une manière de fatalisme ou comme l’expression de la banale surprise que constitue le fait d’être tout simplement au monde. La vie va ! Pour chacune et chacun, autour de chacun et de tous, oui, elle va, la vie et elle continue d’aller, il ne peut pas en être autrement. Il y a ces petits et gros scandales, qui font un petit bruit dans le vacarme dominant ; il y en a qui s’offusquent, qui hurlent et trépignent devant l’inaction des pouvoirs publics devant la misérable condition faite à ces gens, hommes, femmes et enfants venus d’ailleurs, expulsés d’un hall de gare vers un jardin public et pour qui, sûrement, la route risque encore d’être longue.

Il y a ces gens qui vont et viennent de nulle part et puis, les milliers d’autres qui savent où aller, qui ont leurs repères assurés, un toit où s’abriter et se réchauffer et qui devant le spectacle désolant de cet abandon, détournent le regard, pensent très vite à autre chose, se dépêchent pour aller chercher leurs gosses à l’école, rentrent chez eux préparer le souper ; et puis s’endorment devant leurs téléviseurs. Et moi, quand je me balade en ville, je me fais arrêter tous les cinquante mètres par des types dépenaillés, qui me demandent une pièce, ou une cigarette. Souvent je m’arrête, je sors de ma poche ce que je peux, je roule une clope et je l’allume pour celui-ci ou cet autre. Parce que sa mine me fait pitié. Et parfois, oui, parfois ils m’énervent, il y en a trop, je peux pas vider mes poches à chaque fois, je ne roule pas sur l’or, non plus, loin s’en faut.

Alors, oui, des fois j’envoie promener d’un geste vague de la main et j’ai un peu honte. Et je me dis qu’il faudrait tout de même faire quelque chose ; mais quoi faire et qui pour le faire, ce quelque chose ? Quelque chose pour ces gens, et pour d’autres encore. Qui, quoi, comment, quand et puis où on va, c’est quoi ce mur, dressé devant nous et qui paraît si énorme ? C’est quoi ce sentiment que décidément les choses tournent de moins en moins rond, qu’il y a là, dans tous les domaines, à tous les étages, d’énormes grains de sable qui font que la machine a des ratés et qu’il n’y a plus personne aux commandes. Oui, le monde est une machinerie gigantesque qui tourne à vide, sans buts, sans perspectives autres que celle d’une chute qui va s’amplifiant. Un peu comme un grand navire entouré de récifs de toutes sortes et qui aurait été abandonné par son commandant et tout l’équipage, laissant les passagers livrés à eux-mêmes.

Nous sommes, nous les gens, nous les peuples les passagers d’un merveilleux vaisseau en perdition qui s’appelle La Terre. Et ce vaisseau n’a plus de gouvernail, il n’y a pas de canots de sauvetages, pas une seule bouée et le quitter est impossible, il n’y en a pas d’autre sur lequel embarquer. A bord, des voix s’élèvent, qui disent qu’il faut inventer d’autres manières de naviguer, qu’il est urgent de reprendre possession des commandes et guider le vaisseau vers d’autres eaux. Mais ces voix ne portent pas assez loin et la foule des passagers, indifférente, admire l’étendue des flots ou bien se distrait de mille façons, insouciante et dissipée. La foule ne voit pas au delà du bastingage et pas plus haut que la voilure qui touche les nuages lourds de menaces. La foule ne voit pas les fissures de la coque, ne sait pas que le navire est sur le point de heurter les rochers à fleur d’eau, ne veut pas voir que le naufrage est proche et inéluctable. Au bout du compte et tout bien pensé, la foule est peut être dans le vrai. Il importe peut-être finalement assez peu que la farce de ce siècle naissant se mue en une gigantesque dissolution des anciens repères. Puisqu’il paraît de plus en plus évident que plus personne n’assure les commandes du bateau fou, qu’il aille vers des rivages encore inconnus ou qu’il sombre dans les abîmes, tout cela finalement est de peu d’importance.

On sait que les civilisations sont mortelles et celle-ci n’échappe pas à la règle, malgré ses immenses et ridicules prétentions à durer toujours. J’envie et je salue ici celles et ceux qui, en leurs jardins, écoutent les légumes pousser et cajolent la vie dans toutes ses manifestations. Sûrement, ils sont dans le vrai; puisque la vie, sous toutes ses formes, conduit à la mort, toujours et irrévocablement…

J.P Collignon

Un superbe commentaire de l’article :

C’est le monde qui va ainsi, tel que vous le dépeignez.
Vous avez des raisons compréhensibles d’en souligner les effets néfastes.
Cependant, la vie en elle-même est belle.

Elle est abondance, joie, imprévisible et immuable.
Juste à retrouver le sens du sacré en toute chose.
Reconnaître et sentir la bonté et la beauté fondamentale qu’elle nous offre, à travers toutes ses manifestations.

A travers celles-ci, la vie nous invite à abandonner toutes résistances.
À aller dans le sens de son courant, pas celui des horreurs que le monde des hommes produit.
Vous avez une vision bien pessimiste, celle du monde, pas celle de la vie qui pour ma part, est tout autre.

… puisque la vie, sous toutes ses formes, conduit à la mort, toujours et irrévocablement…

Nos vies – le monde temporel dans lequel nous vivons – sont faites de petites morts afin de renaître à partir de leurs cendres, de nouvelles conditions, si nous acceptons de ne pas nous en affliger des pertes.
La vie est abondance.
Rien ne meurt, tout se transforme, tout ce crée.

Nous vivons une période révolutionnaire formidable.
Une nouvelle civilisation à inventer.
De cette impatience à la voir émerger ne nous autorise pas à dresser le tableau noir de la précédente, si nous ne voulons pas subir les effets et les conséquences d’une telle attitude.
Car ce à quoi l’on résiste persiste, contribuant ainsi à faire perdurer ce que l’on combat et à retarder la création d’un monde meilleur ou de toute autre aspiration que l’on appelle de nos vœux, à être manifestes.

Franchir le pas de sauter dans l’inconnu avec confiance, c’est oser découvrir les ressources insoupçonnées qui sont en nous et de vivre la magie qui s’opère dans l’inattendu.
Le principe de la vie est toujours à l’œuvre.

Bien et bon toujours et que l’on ne se fasse un monde de rien.
Tout est déjà parfait.

 

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