«

»

Avr 28

La fraude

[Alors, jetons la première pierre]-alpha.b

 

 La fraude, pour Jean de Meun, est donc le vecteur primordial de la chute de l’homme. La fraude à l’intelligence, je l’ai évoquée plus haut. Nous sommes tous coupables de l’avoir pratiquée à un moment ou à un autre, par exemple en substituant le dédain à la critique argumentée.

La fraude à la démocratie est le fait de nos élus. Je passe vite sur le caméléon présidentiel, dont les palinodies incessantes découragent jusqu’à ses courtisans les plus mimétiques.

 Je me concentrerai sur les éléphants et les éléphanteaux du PS (terminologie animalière empruntée aux socialistes eux-mêmes), qui se font déjà un plébiscite d’un rejet annoncé, mais non encore acté, de N. Sarkozy.

Comment leur faire comprendre qu’ils se singent eux-mêmes d’une campagne à l’autre et que leurs tours n’amusent plus que les pythonisses des plateaux télévisés ? Comment leur faire comprendre que la ruée vers les prébendes ministérielles (le maire de ma ville négocie depuis un an la sienne, avec l’appui du satrape local) dont ils laissent filtrer le tapage, comme si nous allions nous sentir plus puissants d’avoir été mis dans la confidence du pouvoir, est l’étiage de l’engagement politique ?

Comment, en un mot, leur faire comprendre qu’ils ont fait leur temps ? Il est un moyen peut-être, que d’aucuns jugeront désespéré, tant le capital de confiance semble durablement entamé : voter Hollande au second tour de la présidentielle, puisqu’il ne reste plus que cet ersatz à opposer à l’attrape-tout, et voter massivement aux législatives pour les candidat(e)s du Front de Gauche (mammouths du PC exclus). Le ménage sera fait, au moins d’un côté de l’hémicycle. Autrement, la charge des éléphants aura tôt fait d’effacer jusqu’au souvenir du retour du demos dans l’agora.

D’ici-là et pour préparer au mieux la transition vers un autre paradigme, nous devons continuer, dans le douloureux face à face avec notre prochain et notre dissemblable, d’interroger les concepts, d’alimenter l’utopie, de porter le rêve à un degré d’incandescence tel qu’il consumera le réel.

Les grands et nobles lutteurs de la politique, ceux qui s’empoignent avec l’ange, ont toujours rendu la réalité tributaire de leur rêve, l’imaginaire étant la scène véritable de la sociabilité. Il ne viendrait à l’idée de personne de qualifier Martin Luther King de songe-creux ou d’opiomane parce qu’il a eu un rêve.

Le pasteur des âmes avait compris qu’on ne vaincrait la ségrégation qu’en l’attaquant sur le terrain de l’imaginaire. Sans cette charge interne, la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs américains était vouée à l’échec. L’œuvre de King reste inachevée, comme l’atteste l’affaire Trayvon Martin, mais cet inachèvement ne vaut pas avortement. Il suffisait d’une première pierre, placée judicieusement au cœur de la fabrique des représentations…

 C’est à cette pierre de touche-là qu’il convient d’éprouver les capacités imaginatives de nos candidats à la présidentielle de 2012. S’il était vrai qu’il ne nous reste que le sang et les larmes, ils seraient fichus de se féliciter d’avoir inventé la compresse et le mouchoir

 
 Extraits d’un billet de G.Rouzies sur le blog de P.Jorion www.pauljorion.com

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *